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vendredi 8 février 2008

Le Journal de Yaël Koppman


Le Journal de Yaël Koppman
RUBINSTEIN. Marianne
Sabine Wespieser éditeur


Yaël Koppman, une Bridget Jones à la française ? C’est en tout cas ce qu’elle aspire à être, et ce que lui suggère de devenir sa cousine (et meilleure amie) Clara. Cette dernière lui propose en effet de se lancer dans la chick lit qu’elle traduit « littérature de poulette ». La référence au Journal de Bridget Jones (Helen Fielding, J’ai lu) est évidente puisqu’il s’agit là du journal d’une trentenaire célibataire, urbaine, et en proie à de nombreuses crises de doutes. Comme Bridget, Yaël dénombre au fil des pages les kilos qu’il lui reste à perdre. Elle aussi égrène les prénoms de ses amants potentiels. Mais Yaël est juive (et le répète), Yaël ne fume pas (et elle insiste), Yaël est une intellectuelle (et elle signe). Elle partage sans doute d’ailleurs toutes ces caractéristiques avec Marianne Rubinstein, l’auteur de ce « roman » (« Après tout, ce n’est qu’un roman » p. 214). Marianne Rubinstein aime à entrelacer la fiction et le réel et met en place un jeu de miroir. C’est aussi le cas de Yaël, son héroïne, qui cherche la clef de sa propre existence en se plongeant dans la lecture compulsive d’ouvrages autour du Bloomsbury Group.

Ce groupe d’intellectuels était surtout composé d’écrivains (Virginia Woolf, E.M. Forster notamment), et de peintres (Vanessa Bell, Duncan Grant, Roger Fry). Parmi eux on trouvait aussi l’économiste Maynard Keynes, dont Yaël (et on peut supposer Marianne) fait grand cas, elle qui explique la vie par l’économie et l’économie par la vie. Le personnage qui fascine le plus Yaël Koppman, c’est Angelica Garnett qui (pour faire court) est la fille de Vanessa Bell (elle-même sœur de Virginia Woolf) et de Duncan Grant, mais la fille adoptive de Clive Bell et la femme de David Garnett (lui-même épris de Vanessa Bell et amant de Duncan Grant).

Yaël se reconnaît en Angelica et cherche à cerner son histoire en lisant des œuvres critiques, des journaux intimes et des lettres dont Marianne Rubinstein cite de larges passages dans le livre. Il en résulte que si l’on veut comprendre quelque chose aux relations plus que complexes entre les membres du Bloomsbury Group, on peut lire Le Journal de Yaël Koppman, de même que si l’on veut lire de la chick lit à la française.

Mais pourquoi ne pas lire Angelica Garnett elle-même (Les deux cœurs de Bloomsbury, Paris : Le Promeneur, 2001, Trompeuse Gentillesse, Paris : Christian Bourgois, 1986) ?

Pourquoi ne pas regarder les tableaux de Vanessa Bell et Duncan Grant (Frances Spalding, The Bloomsbury Group, Londres : NPG, 1997) ?

Pourquoi ne pas lire les lettres de Virginia Woolf, ou encore mieux ses romans ?

Plus près du Bloomsbury Group et plus loin de la chick lit, surtout à la française…

C. B.






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