Quand
Vicka, à qui je demandais « un beau livre pour un cadeau »,
m’a tendu Du
Côté de chez Swann
en BD, j’ai dit, sans même regarder : non, pas ça. Et sans
plus réfléchir, j’ai pensé : quoi ? La Recherche en
BD, quel sacrilège !
Mais
c’est Proust lui-même qui m’a convaincue. Il est là, en
première page, emmitouflé dans sa mythique pelisse ; et là
encore, en quatrième de couverture, dans son lit, aussi beau que son
portrait par Jacques-Emile Blanche, si juste, si vivant. J’étais
fichue...
Vicka
m’a montré la liste des sommités de la galaxie proustienne qui
parrainaient le volume, et j’ai dit d’accord. Pendant qu’elle
empaquetait mon cadeau, feuilletant le volume, j’ai découvert le
visage des personnages : Swann, le dandy, madame Verdurin et son
double menton, exactement tels que je les avais imaginés. Et voilà
Oriane, la duchesse de Guermantes, telle que Proust la décrit, les
yeux assortis aux pervenches de son chapeau. C’est ainsi que j’ai
acheté DEUX exemplaires et que j’ai eu le bonheur de (re)lire le
premier volume de la Recherche en un après-midi.
J’y
ai retrouvé « mon » Proust vénéré ; et bien plus
encore. Le texte, forcément bref, mais concentré comme un nectar,
avec mes passages chéris, qui m’ont éblouie, émue, amusée. Un
texte admirablement servi par le dessin de Stéphane Heuet - on osera
dire magnifié tant le dessin donne corps à la magie proustienne.
Car nous avons tous une image intérieure de nos romans préférés
et, tout particulièrement, de La
Recherche du Temps Perdu.
Mais contrairement au cinéma où le réalisateur impose sa vision,
où telle scène, tel personnage, trop explicite, ou à notre goût
trop imparfait, vient heurter notre imaginaire, le dessin, plus
évasif et poétique, parvient à s’y couler pour restituer,
villages, clochers, personnages, Combray et Paris, la phrase
impressionniste de Proust et l’aura mélodieuse et floue du
souvenir.
Le
succès international de la BD de Heuet témoigne de cette réussite.:
500000 exemplaires vendus dans le monde, 19 traductions.
De
ces 200 pages de pur bonheur, se détachent quelques morceaux qu’on
ose à peine dire « de bravoure » tant ils sont délicats.
La
madeleine, le cattleya d’Odette, évidemment. Mais plus que tout,
c’est la sublime représentation de la Sonate de Vinteuil qui donne
la mesure du talent de l’entreprise : Heuet a réussi à dessiner
la musique, l’inconscient, l’humour et la mémoire, à
représenter les visages, les toilettes, les postures qui fascinent
depuis un siècle.
Un des livres les plus
obscurs pour certains lecteurs apparaît ainsi dans toute sa
simplicité cachée. Et dans son immense beauté. C’est pourquoi ce
livre enchantera non seulement les Proustiens les plus fervents, mais
aussi ceux, comme Stephane Heuet l’avoue de lui-même, qui jugent
Proust trop « casse-pieds » pour s’y attaquer. Laissez
vous charmer par les enfants qui jouent au jardin des Champs-Elysées.
Par Combray et le bois de Boulogne, où le narrateur rêve de
rencontrer Gilberte, madame Swann ou la duchesse de Guermantes.
Souriez des commérages de Tante Léonie, des fautes de français de
la fidèle Françoise et de l’apparition malicieuse de...Philippe
Sollers en écrivain mondain qui « obserrrrrrve ».
Béatrice Bantman
Du côté de chez Swann
par
Stéphane Heuet. Editions Delcourt. 211 pages. 39,95€.
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