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jeudi 17 avril 2014

Note de lecture sur FESTIVAL de Stéphane VELUT




Après une parabole glaciale sur la montée du totalitarisme, le second roman de Stéphane Velut était attendu avec un mélange de curiosité et d’appréhension. Comment dépasser l’insoutenable tension de Cadence dont la prose impeccablement rythmée conduisait le lecteur tout au long d’une montée dans une tranquille horreur, l’histoire de cette petite fille sadiquement reconstruite, encore vivante, en poupée de cuir, de ressorts et d’acier ? Changeant radicalement de sujet et de style avec Festival, Stéphane Velut ne déçoit pas, mais intrigue…
Comme un avertissement, l’exergue choisie emprunte au Voyage au bout de la nuit de Ferdinand Céline : « Les riches n’ont pas besoin de tuer eux-mêmes pour bouffer ». Nous sommes prévenus, les personnages que nous allons rencontrer empruntent plus au grotesque qu’au pseudo raffinement des beaux quartiers, et le style délibérément choisi, plus au parler des faubourgs qu’à la langue de Molière. Et pourtant, passée les premières impressions déstabilisantes, on se prend à s’intéresser à ces personnages gouailleurs, à leurs comportements qu’épouse un style aussi heurté (désarticulé ?) que leur survêt vieil orange et leurs lunettes irisées de cycliste, limite vulgaire, à leur pauvre histoire dont la banalité finit par devenir émouvante.
Flink « a l’air d’un con », mais l’auteur, jamais très loin, nuance : « vite dit » ! Et sa pauvre mère, qui d’entrée l’exhorte sans y croire : « Flink il faudrait pas te foutre dans une histoire de meurtre »… Sûr qu’il va s’y foutre, tout en lui lâchant « bougonne pas c’est le grand jour, ce soir c’est la surprise »…un festival !
D’ailleurs on y est au Festival, celui de Cannes, mais pas sur la Croisette, au camping de la Muette… Et si Flink, toujours lui, rêve de voir un jour Hélène sa copine « poser son cul rond et élastique sur le siège en cuir noir, maroquin doux pleine fleur d’une Triumph spitfire 1963 rutilante », mais « on n’en est pas là », c’est bien sur son scooter pourri qu’il la fait monter, sentant « appuyés contre lui, la rondeur et le poids de ses seins ».
On devine déjà qu’on ne part pas pour le casse du siècle, qu’on n’aura pas droit à un plan à la Spaggiari… Qu’est-ce qui fait alors qu’on ne laisse pas tomber, qu’on se laisse même prendre peu à peu à cette pauvre histoire menée par de pauvres bougres dans leur foutue caravane, posée au milieu des choux et des poireaux, et dont l’exiguïté ne perd pas de se voir tout entier dans un miroir ?
Le regard de l’auteur ! Un regard que traduit un style fort ou tremblé, tout d’audace et de retenue, d’impudeur et de tendresse. Un regard tendrement ironique autant que séduit par cette vie brute et obstinée, celle qui se dégage de ces vies minuscules portées par des certitudes assénées tranquillement, des rêves aussi triviaux qu’épiques, et qui force sinon notre admiration du moins notre sympathie. Et qui nous tient en haleine jusqu’au bout du roman, même si nous savons dès les premières pages, que ça va mal finir…C’est à nous qu’Hellène, Meert et Flink « expliquent tout ça, les choses de la vraie vie » (pour reprendre leurs mots). Et c’est en cela que la tentative de Stéphane Velut nous atteint, nous touche et peut-être nous blesse…
François Longchamp.

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