Sélection du message

jeudi 4 août 2016

Lurs [fragment 1]

Un maire de combat

Le pittoresque de l'histoire ne doit pas faire oublier le drame d'ancien régime sous-jacent. Depuis le 19 décembre 1756 le lieutenant de juge qui autorise au nom du seigneur, un de ces fameux « Prince » de Lurs, la tenue de l'assemblée de la communauté, refuse que celle-ci se réunisse à nouveau au motif que lors de la précédente le valet de ville n'est venu le prévenir que « un quart heure avant ». Le conseil de la communauté lui répond que c'est « l'usage de ce lieu que l'on observe depuis un temps immémorial. ». La crise atteint son paroxysme, le 27 janvier 1757, lorsque un « agent » de Jean-Joseph Thézé, le lieutenant de juge, tente d'empêcher la tenue du conseil qui se déroule sans son autorisation.



Plainte des consuls.
Plainte.
Nous Jean Baptiste Aillaud et Joseph Roche, consuls modernes de la communauté de ce lieu de Lurs ayant fait assembler le conseil de ladite communauté, ainsi qu'il consiste cy-dessus, auquel Paul Esclangon, habitant de cedit lieu, s'est rendu, et à son ordinaire, a commencé en entrant dans la maison de ville de faire tapage comme il fait journellement dans quelle assemblée qu'il se trouve et pendant plus d'une demi-heure, il a sans aucun égard pour personne, provoqué les membres dudit conseil et surtout, nous consuls et le greffier, par une infinité de discours outrageants, et de paroles obscènes qu'il proférait à tout moment, disant en outre que nous nous partagions le gâteau, et nous faisions récolte les uns aux autres, que le papier était bonhomme, que ce n'était pas sans raison que les auditeurs de compte n'étaient pas audit conseil, que les consuls et principaux avaient que se payer des fournitures qu'ils peuvent avoir fait pour le service de sa majesté et retenir en même temps le bien des autres, que si on voulait l'en croire l'on ferait délibérer d'employer le relicat du trésorier à de grain pour distribuer à ceux qui en auraient besoin, et mille autres propos de cette espèce, sans que personne lui ait jamais dit le moindre mot, attendu qu'il est connu pour un emporté, et capable de faire quelque mauvais coup ne cherchant que l'occasion de se faire des affaires pour tacher d'en tirer quelque parti, et le faisant avec d'autant plus d'imprudence que d'une part il n'a rien à perdre, et que de l'autre il voit qu'on souffre qu'il insulte et brave tout le lieu, sans l'en faire punir. Mais comme le conseil n'a pu se remplir, et s'agissant d'une affaire pressante, nousdits consuls aurions demandé au greffier de nous en concéder acte pour notre décharge, ce que ledit Esclangon aurait empêché disant que puisque le conseil n'était pas rempli, il n'était pas nécessaire d'écrire davantage, étant cependant de notre intérêt de faire constater de nos diligences, pour pouvoir en venir en bout nous aurions ordonné audit Esclangon de sortir de la maison de ville, et demandé main forte à Sr Pierre Boin de François, à Sr Antoine Maillet Me chrirurgien, à André Aubergier , Joseph Poussily et Louis Bergier qui sont seuls présents avec ledit greffier à ladite assemblée, les autres y dénommés (Pierre Boin de Claude, bourgeois, et Sr Thomas Arnaud) étant sortis pour aller à vêpres lorqu'ils ont su que le conseil ne pouvait se remplir. Et comme ledit Esclangon a refusé de sortir et que personne n'a osé s'avancer pour l'y obliger, nous Aillaud l'aurions saisi par l'habit pour le mettre de force dehors de la maison de ville en lui disant qu'un brouillon de son espèce qui n'y vient que pour y mettre le désordre doit en être exclu, alors ledit Esclangon nous a traité de gueux et de Jean-passe tout outre et autres injures de cette espèce, et voulant absolument le faire sortir, il nous a déchargé un grand coup de poing sur le visage ; après l'avoir mis dehors, il est revenu comme un furieux et a violé l'entrée nonobstant les résistances du valet de ville, et l'ayant saisi derechef pour le mettre encore hors de la maison de ville ; il s'est défendu avec une telle violence que nous en aurions reçu plusieurs blessures aux mains et aux jambes, nous ayant déchiré les deux manchettes soit avec les ongles soit avec un bâton dont il est ordinairement muni ; les susassemblés ayant voulu nous secourir ledit Sr Maillet en a eu une main considérablement écorchée et le nommé Poussily en a reçu un coup de pied au bas-ventre ; enfin étant venu à bout de le pousser pour une seconde fois jusqu'à la porte, où il y a un escalier droit d'environ quatorze marches ledit Esclangon est tombé sur la première desdites marches, et nous tenant saisi nous a fait rouler tout l'escalier, où nous avons risqué de perdre la vie ce qui était apparemment le projet dudit Esclangon, et ce qu'il aurait exécuté, étant venu derechef sur nous, sans le secours de ceux qui sont venus nous délivrer de ses mains ; mais un excès de cette espèce méritant une punition exemplaire nous avons requis ledit greffier de recevoir le présent verbal pour nous servir à ce que de droit et de le signer avec nous et autres présents qui ont su.

Signé Aillaud consul, J. Roche consul, Boin, et nous Rollandy greffier.

A. D. 04, dépôt E 106.

Aucun commentaire: