En 1955, Nestor Burma revenu de tout et
même plus, revient, au court d'une filature dans le 6ème
arrondissement, rue Lobineau. Il passe devant les éditions du
Scolopendre. Le scolopendre est une charmante espèce de mille pattes
vorace dont la morsure est très douloureuse et que le capitaine
Haddock a entré à son répertoire d'injures. Léo Malet ne rendait
pourtant pas hommage au dessinateur rexiste repenti, loin s'en faut,
mais à la maison d'édition du Scorpion créée au sortir de la
guerre par Jean D'Halluin. Il publia sous les fameuses couvertures
noire et rouge, les deux premiers volumes de la trilogie noire La
vie est dégueulasse et Le
soleil n'est pas pour nous.
Fameuses, oui ! C'est sous ses deux couleurs que parut, en 1947, le
premier livre d'un certain Vernon Sullivan traduit de l'américain
par un trompettiste de jazz qui roulait au polar Boris Vian, J'irai
cracher sur vos tombes. Chacun
sait que ceci n'était qu'un pastiche, un canular au départ et que
Vernon cachait son Boris. Cette affaire-là valu un tirage de 120000
exemplaires et un des plus célèbres procès de la littérature à
son auteur et son éditeur.
Les
éditions Fénitude, admirée par nous, ont la bonne idée de nous
raconter tout ça dans leur quatrième livraison de la revue
Capharnaüm en trois
parties d'égal intérêt. La première est une biographie expéditive
de Jean D'Halluin, sa gloire et sa déchéance éditoriale et
physique. La seconde, la plus passionnante, repose sur le fonds de la
correspondance de Raymond Guérin dont les éditions Finitude ont
déjà publié la partie consacrée à Henri Calet et des extraits de
celle échangée avec Malaparte. Cette correspondance, courte dans le
temps s'achève brutalement au moment de la rupture du contrat qui
lie les deux parties début 1951. C'est le moment où les éditions
du Scorpion basculent dans la médiocrité en raison de la mauvaise
gestion de Jean D'Halluin, ce qui entraine le départ des auteurs
comme Vian, Queneau, Hyvernaud. Au fil des lettres, l'admiration,
l'amitié cède le pas aux désaccords commerciaux tandis que Jean
d'Halluin s'enfonce dans les prétextes et les excuses de plus en
plus scabreux. La troisième partie nous présente le catalogue des
publications de cette époque en belles couleurs rouge comme le sang
et noire comme le scorpion.
Pour
rendre hommage à cette sortie et à cet éditeur nous proposons les
éditions actuelles des livres de Vernon Sullivan / Boris Vian, La
trilogie noire de Léo Malet,
les oeuvres complètes de Sally Mara / Raymond Queneau, La
peau et les os de Hyvernaud.
Espérons que Finitude ou Le Dilettante réédite un jour La
main passe de Raymond Guérin,
titre épuisé à ce jour.
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