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vendredi 29 novembre 2013

A propos du livre d’Agnès Desarthe, Comment j’ai appris à lire



Ni mémoire d’enfance, ni manuel pédagogique, le beau récit d’Agnès DESARTHE « Comment j’ai appris à lire », pourrait plutôt faire partie des écrits de résistance… Touchante histoire, non pas au sens de l’émotion qu’elle soulèverait mais au sens où elle nous percute : ne serions-nous pas de ces lecteurs qui nous laissons envahir par nos lectures, consommateurs de livres comme d’autres produits qu’on saurait, à grands coups de prix littéraires (ou de convenances sociales), nous faire acheter et lire ?
C’est au contraire, sa peur d’être envahie par quelque chose d’extérieur à soi, un texte perçu comme une menace, une intrusion insupportable (fut-ce un grand texte comme Flaubert ou Proust !) qui, pendant plus de dix ans, dissuade Agnès Desarthe de lire quoi que ce soit, alors qu’elle écrit depuis l’âge de sept/huit ans. Et de nous narrer avec humour les acrobaties auxquelles ce rejet instinctif la contraint, non seulement au lycée mais jusque dans les classes préparatoires à Normal’Sup… pour enfin nous faire découvrir avec elle, en fouillant dans son histoire familiale, la clé de cet étrange malaise… qu’on ne dévoilera pas ici !
Les rencontres avec plusieurs femmes (toutes des Mmes B...) vont finalement avoir raison de ce qui l’aurait finalement aussi privée d’écriture. Et puis un renversement s’opère, lorsque Agnès Desarthe se lance dans la traduction. On a là quelques pages aussi fines que superbes sur ce métier, intitulées « quand traduire, c’est dé-lire », où, en place de l’invasion intrusive d’un texte, a fortiori dans une langue étrangère, surgit la possibilité d’une collaboration intime entre auteure et traductrice, allant jusqu’à des modifications textuelles pour respecter l’esprit et le génie de la langue « à faire passer au tamis ». Mais alors se lève en miroir, l’autre question : pourquoi écrit-on ? L’amorce de réponse dans le dernier chapitre, laisse espérer qu’Agnès Desarthe nous régalera un jour d’un autre récit sur le sujet…


François Longchamp

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