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samedi 18 janvier 2014

Retour sur le prix Goncourt

Edouard et Albert, les deux héros du dernier Goncourt Au revoir, là haut, font irrésistiblement penser aux Pieds Nickelés, la célèbre BD dont la parution en 1908, précéda de quelques années seulement les aventures dont il est question ici, durant la Grande Guerre. Ceux qui aiment les histoires bien ficelées vont se régaler dans ce qui est autant un vrai délire qu’une savante construction. Il est vrai que l’auteur n’en est pas à ses débuts et a montré bien avant ce livre, sa maîtrise des scénarios de romans policiers. Aussi, les rebondissements ne manquent-ils pas, depuis l’ensevelissement initial d’Albert dans ce gigantesque trou d’obus, à la cote 113, jusqu’à l’envol final d’Edouard, ailes en plumes collées sur le dos, aux portes de l’hôtel Lutétia, à Paris. Le rythme du récit reste assez soutenu pour tenir le lecteur en haleine durant ses 567 pages, avec cette minutieuse mise au point d’une arnaque qui excite l’un, le poilu à la gueule cassée, et terrorise l’autre, son sauveur devenu son ami et complice d’infortune.
Mais c’est aussi là que le bât blesse… La grande fresque d’une tragédie d’après-guerre (le sort que subirent les rescapés à leur retour, parfois pire que la guerre elle-même), est recouverte par cette BD foisonnante où le comique le dispute sans cesse à l’horreur. Ca n’a plus figure humaine, pas plus qu’Albert qui a perdu la mâchoire inférieure et finit par porter des masques dérisoires, à la réalisation desquels contribue la petite fille de la concierge, nullement impressionnée... L’incroyable de la situation finit par emporter la crédibilité des héros, sur lesquels d’ailleurs, l’auteur porte toujours un regard fort distancié. L’amer « ah Dieu, que la guerre est jolie ! », et ses accents sarcastiques, fait place à « quelle est jolie l’arnaque ! » : on peut penser qu’on y perd un peu…

 François Longchamp

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